Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Profil

  • Tunisie mon pays!
  •  Vive la Tunisie Libre
  • Vive la Tunisie Libre

Recherche

Archives

1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 17:33

vendredi, 30 mai 2008

En Tunisie, lentement mais sûrement, le voile recouvre les têtes


Pourtant chantre de l’islam moderne, le pays revoit sa position sur le port du «hijab».

Par l'envoyée spéciale à Tunis NADIA HACHIMI ALAOUI

QUOTIDIEN Libération

Reportage

Quand elle sort une cigarette de son sac, elle a toujours un sourire un peu gêné. Sur la terrasse, au Café du théâtre à Tunis, les femmes voilées ne sont pas nombreuses à fumer en public. Pour elle, c’est «un reste du temps de [sa] vie de femme laïque», sa «dernière incohérence». Swasen a 34 ans et un regard pétillant. En juin, cette jeune médecin a fait le choix de se «revêtir», comme un nombre croissant de Tunisiennes aujourd’hui. A priori, il n’y a rien d’exceptionnel dans un pays musulman. Mais en Tunisie, pays chantre de l’islam moderne, le hijab (le voile) est un peu plus qu’un «bout de chiffon», comme le qualifiait Habib Bourguiba.

Mode orientale. En dévoilant les Tunisiennes en 1956, le père de l’indépendance de cet ancien protectorat français faisait de la femme à tête nue un des emblèmes de la nation. Alors, forcément, cinquante ans plus tard, le retour du voile en Tunisie pouvait difficilement passer inaperçu. Noué sur le côté, enserrant les contours du visage, celui de Swasen, porté à la mode orientale, se marie avec sa grande jupe marron et reprend les tonalités jaunes de son col roulé. «A priori, j’aurais préféré le voile islamique qui cache le cou, mais ici c’est un peu compliqué», dit-elle. Il y a quelques mois, à la faculté de médecine de Tunis où elle terminait sa thèse, un responsable l’avait prise à parti lui rappelant «poliment» la circulaire de 1981 qui prohibe le voile dans les institutions publiques. «Il m’a conseillé de porter plutôt le foulard traditionnel tunisien m’expliquant, un peu gêné, avoir reçu des directives en ce sens pour contrer le phénomène.» Culottée, et surtout convaincue, la jeune thésarde ne s’est pas dégonflée : «Vous convenez donc que c’est un phénomène ? lui a-t-elle répondu. On en est restés là.»

En 2006, sous la pression des modernistes, inquiétés par la montée du hijab, le président Ben Ali l’avait publiquement fustigé en dénonçant sa provenance «d’inspiration sectaire importée de l’extérieur». Il pointait explicitement du doigt les chaînes de télévision des pays du Golfe, et leurs prêcheurs rigoristes. Dans les rues tunisiennes, l’étau s’était alors resserré, et quelques hijabs furent arrachés à la volée par des policiers zélés.

«Identité». Mais un an plus tard, les signaux envoyés par l’Etat se sont brouillés. En octobre, la justice a donné raison à une enseignante qui contestait son renvoi d’un établissement parce qu’elle portait le voile, cassant ainsi la circulaire de 1981. Le droit a été rendu, une circulaire administrative n’ayant pas force de loi. Mais dans un pays comme la Tunisie où l’on sait se jouer de la législation quand il le faut, cette décision a été interprétée dans le camp des laïcs comme un recul du pouvoir face «aux voilées».

Influence des chaînes satellitaires, regain du religieux ou acte de résistance au régime autoritaire de Ben Ali, le retour au voile pour Swasen, c’est avant tout «une question d’identité» . «L’idéologie française nous a trop influencés en Tunisie. L’émancipation des femmes a consisté à ressembler à la femme occidentale, elle nous a éloignés de la tradition musulmane.»

Il y a dix ans, Swasen portait un jean, un tee-shirt à manches courtes. En deuxième année de médecine, elle a commencé à douter, lassée d’entendre le discours sur «la femme active tunisienne». «Pour les femmes en Tunisie, tout est devenu une question de compétition entre elle et les hommes. Leur seul objectif a été d’atteindre la même position sociale, notamment dans le travail. J’ai voulu m’affirmer autrement», confie-t-elle. Ses réponses, la jeune femme les a trouvées dans la religion. Laïcs contre religieux, «femme démocrate» contre femme voilée : l’absence de débat public a fini par tracer une ligne de tranchée entre les deux camps, amenant les uns et les autres à se caricaturer.

«Label du gouvernement». Mais il y a plus inquiétant. Dotée depuis 1956 du code du statut personnel le plus novateur en matière des droits de la femme dans un pays musulman, la Tunisie n’a pas réussi à imprégner ses nouvelles générations de l’esprit du texte. «Le statut de la femme est devenu un label du gouvernement», explique Khadija Cherif, présidente de l’Association des femmes démocrates. «Pour ne pas nuire à l’image de cette Tunisie exemplaire, on a préféré croire que les acquis législatifs étaient suffisants pour assurer un impact et donner du sens à la loi.» Résultat, Sawsen affirme aujourd’hui que «les hommes et les femmes ne sont pas égaux mais complémentaires», et qu’«il incombe aux femmes d’être responsables avant tout de leur foyer».

Source Libération 29 avril 2008

Partager cet article
Repost0

commentaires